Le choix de la librairie # 4

Une sélection, par Irène Attinger, d’ouvrages en vente à la librairie de la MEP, qui, en raison de leur originalité, de leur qualité éditoriale et/ou de l’importance de leur contenu, participent de l’image de l’édition photographique internationale.

Rainbow Transit, Per-Anders Pettersson

Dewi Lewis Publishing, Stockport (GB), 2013
Texte de William Gumede
36€

En soixante-dix-neuf images aux couleurs profondes, ce photojournaliste suédois documente vingt ans d’histoire de la nation arc-en-ciel (notion inventée par l’archevêque Desmond Tutu pour désigner la diversité de ce pays) depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994. Au travers de portraits et de paysages, il dépeint des gens vivant dans des réalités quotidiennes très différentes. Per-Anders Pettersson tente de représenter le développement d’un pays qui, après presque 50 ans d’Apartheid, voit surgir d’autres luttes. La démocratie durement gagnée a amené à la fois récompenses et nouvelles luttes. Les politiques sud-africaines ont permis à une nouvelle élite, les soi-disant « diamants noirs », d’amasser des fortunes stupéfiantes et permis l’apparition rapide d’une classe moyenne noire. Mais les désillusions sont rapidement apparues pour commencer à étouffer ces sentiments d’espoir et ces aspirations.

Plutôt que des dates, des légendes consistantes fournissent des informations sur les conditions sociales prévalant en Afrique du Sud.
Ce livre a obtenu le prix du meilleur livre photo en 2013.

 

Land of Cush, Cédric Gerbehaye

Le bec en l’air Éditions, Marseille, 2013
Texte de Jon Lee Anderson
€ 30,00

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Un livre saisissant sur le Soudan du Sud, dernier-né des pays de la planète qui est aussi l’un des plus pauvres et des moins développés. Un accord de paix entre le Nord du Soudan et le Sud du pays a mis fin à la plus longue guerre civile africaine (22 ans), puis un référendum a permis au Sud de devenir indépendant en 2011. Mais la reconnaissance par l’ONU du Soudan du Sud comme le 193èmef état membre n’a guère fait évoluer la situation : malnutrition chronique, peu de routes, pas d’écoles, personnes déplacées par milliers, insécurité grandissante. À cela s’ajoutent des luttes pour la démarcation de la frontière, la répartition de la manne pétrolière et des terres agricoles, le partage des eaux du Nil…

Le titre du livre Land of Cush fait référence à l’antique royaume de Kouch cité dans la Bible, nom donné au territoire qui correspond aujourd’hui au Soudan ; c’est aussi le titre que les Sud-Soudanais ont choisi pour leur hymne national. L’ouvrage, qui contient 32 photographies en couleur,  a été réalisé en collaboration avec le journaliste américain Jon Lee Anderson, grand reporter auprès de The New Yorker.

« J’ai fait ce livre parce que la littérature sur le Soudan du Sud est inexistante » affirme Cédric Gerbehaye. Il ajoute : « L’idée était de faire un editing serré, précis. Lorsqu’on parle d’Afrique, les images d’une population en souffrance, qui subit un conflit et qui se retrouve dans un camp de réfugiés sont des grands classiques, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas les montrer. Il faut arriver à les montrer sans noyer le lecteur. En faisant sens. »

 

Ende und Anfang – Early Trips, JH Engström

Europe / USA until 1999
André Frère Editions, Marseille, 2013
Texte de JH Engström
€ 39,50

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À la suite de Christer Strömholm et Anders Petersen, JH Engström fait partie de ces photographes qui ont fait connaître la photographie suédoise dans le monde entier au cours de ces dix dernières années, en particulier depuis son succès avec l’ouvrage Trying to Dance. Aujourd’hui, il revient avec des images réalisées dans sa jeunesse et nous propose avec son regard bienveillant et toujours étonné de l’époque un “road trip” sensible et émouvant à travers l’Europe et les Etats-Unis du siècle dernier.

Pour JH Engström, le temps et la mémoire sont, par définition, très lié à la photographie. « Le monde occidental a connu ces 20 dernières années un changement dont nous n’avons pas encore pleinement conscience. […] Et du coup, je vois maintenant le XXe siècle comme le vieux monde. […] Le changement n’est pas forcément un mal pour moi. Ende Und Anfang traite de cela. Le titre qui signifie “la fin et le début” est comme une question : quand quelque chose finit-il ? Et quand quelque chose d’autre commence-t-il ? Les époques, les idées… Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai la sensation qu’il ne serait plus possible de faire ces photos aujourd’hui. C’était une autre époque. »

JH Engström a également participé à la conception graphique du livre.

 

Naked, Rimaldas Viksraitis

Heden, Den Haag, 2012
28€

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Rimaldas Viksraitis est surtout connu pour ses photographies documentaires intimes de la vie rurale en Lituanie. Ces images lui ont permis de gagner, en 2009, le Prix Découverte des Rencontres d’Arles. Elles dépeignent avec humour l’aisance créée par l’utilisation habituelle de l’alcool dans la vie quotidienne des gens, une vie qui, en fait, est loin d’être drôle. Viksraitis lui-même dit des personnages de ses photographies : « ils portent leur croix et ne grommellent pas à propos de leur destin. »

Si vous n’avez rien et s’il n’y a aucun espoir d’améliorer votre existence, alors vous avez au moins votre corps à votre disposition. En voyageant sur sa bicyclette, Viksraitis photographie des nus artistiques peu compliqués et insouciants. Nus, dans le champs ou en plein air, tous sont égaux.

 

Irène Attinger