ITW#05
Gustavo Speridião

Découvrez les artistes exposés à la MEP sous un autre angle, au travers des œuvres qui les inspirent.

Découvrez les artistes exposés à la MEP sous un autre angle, au travers des œuvres qui les inspirent.

Photographie

RedSunday 1905
Saint-Petersbourg, janvier 1905 : l’année du début de la Révolution russe. Les troupes du Tsar tirent sur les manifestants faisant des centaines de morts et de blessés. C’est ce jour qu’on a nommé le “dimanche rouge”.

Si l’on pouvait ignorer le sens global de ce massacre, il serait possible de n’y voir que trois plans. D’abord, le plan des formes géométriques, les soldats étant figurés par des sphères, des cylindres et des rectangles. Le deuxième plan est constitué d’un corps organique difforme ; le troisième, de lignes parfaites et de formes géométriques.  Le suprématisme de la société : l’armée sans visage, normalisée, les gens qui bougent et le palais impavide. La neige a rendu graphique cette réalité. Presque un dessin, presqu’un graffitti, presqu’un calque. Une affiche de Rodtchenko, presque.

Et il s’agit de la réalité la plus pure. Le contenu des trois plans est la synthèse de l’Histoire humaine – qui est l’histoire de la lutte des classes. Il s’agit d’un des plus anciens enregistrements photographiques de la répression que l’aristocratie et la bourgeoisie avaient fait subir et font toujours subir aux travailleurs du monde entier.

Cette image de 1905 est toujours accrochée au mur de mon atelier, car elle représente pour moi la synthèse de la relation actuelle entre la bourgeoisie et les travailleurs. La face “A” et la face “B”.

De telles scènes sont devenues monnaie courante au fil du 20siècle et au début du 21e.

Dans cette scène, le photographe se trouve derrière la ligne de la répression. C’est encore l’endroit où la majorité des photographes officiels choisissent de rester. Mais un grand nombre de ces images sont désormais produites par les insurgés à l’intérieur même des manifestations et des conflits, la plupart du temps avec des téléphones portables en mode vidéo (vidéos YouTube des révolutions en Egypte, en Syrie, en Libye…). Bon nombre de ces caméramen et photographes amateurs meurent en documentant les tirs de l’armée sur les manifestants.

Je vois des images des massacres perpétrés par Bashar Al Assad en Syrie, par Mubarak et ses snipers visant la tête des manifestants sur la place Tahrir en 2011, pendant la grève des mineurs en Afrique du Sud en 2012, ou les innombrables tueries qui ont lieu presque quotidiennement dans les favelas du Brésil, menées à l’arme lourde par les milices et les policiers, et ces trois mots iconiques me viennent toujours à l’esprit : le palais, le peuple et l’armée.

L’image du “dimanche rouge” est un icône de la violence du pouvoir d’hier et d’aujourd’hui, mais qu’adviendra-t-il demain? Le crise mondiale nous donne un aperçu. Nous vivons à une époque de guerre et de révolutions, comme autrefois…

Cinéma

La Jetée, Chris Marker, 1962

Cette fiction racontée au moyen de photographies m’a profondément impressionné. La Jetée possède un scénario très simple mais traite de sujets grandioses (l’amour, la troisième guerre mondiale, le voyage dans le temps, la quête pour sauver l’humanité, la rédemption individuelle). Chaque photographie est tellement dense que l’absence même de mouvement génère des images riches de sens. L’audio recadre les photos, qui constituent le fil conducteur temporel du film. Un récit extraordinaire par un créateur de génie !

Musique

Vapor Barato (Dirty Steam), Jards Macalé et Waly Salomão

Cette musique composée par Jards Macalé et Waly Salomão (grand musicien et poète) trouve une position révolutionnaire dans la voix de Gal Costa. Les paroles et les métaphores prennent la forme d’un manifeste, avec le meilleur cri de femme qui ait jamais existé !

 

À découvrir aussi : l’exposition Gustavo Speridião, Géométrie. Montage. Équilibrage. Photos et Vidéos.