Au moyen de quelques mots manuscrits, d’une ou de plusieurs photographies, épisodiquement de coupures de journaux, Daniel Blaufuks s’attelle à un exercice quotidien d’observation, de poésie et d’introspection. En dehors de la régularité de la pratique et de la date du jour, la seule figure qu’il s’impose est celle du cadre d’une page A4 promise à la composition du jour. Le projet initié en 2018, Les jours sont comptés, s’ingénie à rendre tangibles les interrogations, les réflexions et les obsessions de l’artiste. Mais s’il s’agit bien de la tentative d’écriture d’un journal, la première personne du singulier en est bien souvent absente, et sa lecture ne nous donnera que peu d’éléments sur la vie intime de son auteur. C’est le journal d’un enfant de l’exil, qui s’estompe dans les mots de plusieurs langues : celle de ses grands-parents juifs exilés d’Allemagne et fuyant le nazisme ; le portugais, sa langue d’adoption ; le français, la langue des surréalistes et de Perec qui traverse son oeuvre ; et enfin l’anglais qui appelle la fulgurance de Bob Dylan ou de nos imaginaires cinématographiques. Loin des vérités historiques, invité à poursuivre son travail en Bretagne lors d’une résidence au Centre d’art GwinZegal, Daniel Blaufuks a appliqué ses recherches sur la mémoire de la Résistance aux façons dont elle se construit en ruptures ou en cadences, s’érode ou s’entretient ? mais aussi aux formes nouvelles qu’elle peut adopter à notre époque.