Début décembre 2014, alors que la rédaction de cet ouvrage touche à sa fin, je reçois un e-mail de la Maison européenne de la photographie. J’y jette un oeil passablement fatigué et suis attirée par un mot : photo-graphies.
Étudier l’espace où se croisent le visuel et le textuel. Voir se détacher, parmi cette immensité, une silhouette, celle du photographe américain Duane Michals. Le premier à dérouler ses photographies en une trame narrative. Saisir ce lien ténu entre photographie et littérature qui se noue autour des années 1960-1970 alors que le médium photographique se démocratise et que s’ouvre la perspective de ce que l’on nomme aujourd’hui les mixed media arts.
L’idée, c’est d’évaluer la distance qui sépare le brin de folie narrative Michals-ienne de jeunes photographes contemporains. Parce que Internet a rebattu les cartes artistiques. Parce que le commissaire se doit aujourd’hui d’être écrivain, l’exposition se doit d’être histoire et le photographe se doit de savoir rédiger. Parce que aussi, à mesure que les grands mythes fondateurs qu’étaient les écrits religieux sont rejetés par une large partie du monde culturel et intellectuel, les artistes font face à un besoin grandissant de raconter l’histoire.
Parce que nous sommes entrés de plain-pied dans l’ère des photographies. Les photographes publient, écrivent, twittent et associent texte et image de mille et une façons. Tous sont ainsi représentatifs d’une nouvelle figure, celle dont ce livre dessine les contours : l’écrivain de la photographie, dont Duane Michals a ouvert le chemin aux futurs chantres des petits riens.