Après le suicide de ma soeur aînée en décembre 2014, je ne pouvais plus ni lire, ni écrire, ni faire ni écouter la moindre musique. Alors j’ai plongé dans la photographie dont j’ignorais la technique, l’histoire et les opérateurs, comme dans le vide. Traversée impossible vers l’autre monde, vers le ciel sous le sol. Et puis ces images m’ont peu à peu murmuré quelque chose. J’ai longtemps cherché à comprendre, sans y parvenir. Je me trompais d’énigme. L’oubli est une langue morte, perdue, occulte, invasive, dont il faut déchiffrer les signes, effacer l’effacement, s’arracher enfin. Si possible. Si seulement. J’ai fermé la porte, et ouvert la fenêtre, celle d’où l’on voit la mort arriver et la vie venir. C’est la nuit. C’est encore la nuit. C’est toujours la nuit. Je suis mort un certain nombre de fois.
Benoît Méjean