La Tchétchénie souffre depuis plus de dix ans d’une image négative : symbole de la guerre dans sa forme la plus violente, de la férocité humaine, de l’apocalypse sur Terre. Lors de la campagne amorcée en 1999, la capitale Grozny est réduite en miettes par Poutine. Le tissu social et culturel est anéanti. Les réfugiés se comptent par milliers et les Russes les accusent de tous les maux.
La Tchétchénie bénéficie aujourd’hui d’une certaine autonomie vis-à-vis de Moscou. Ramzan Kadyrov, protégé de Poutine, dirige la petite république comme le ferait un seigneur sur son fief, en reconstruisant et en remodelant les infrastructures, mais aussi les mentalités et l’identité de la population. La notion même de ruine est interdite, l’extravagante prolifération de constructions les plus abracadabrantes élimine toute trace des guerres passées
L’enquête de Davide Monteleone sur l’identité est peu à peu devenue l’histoire d’une soumission de tous les habitants de cette république qui ont fait le choix de la résignation face au pouvoir en place, en contrepartie d’une vie meilleure. Une vie “normale” faite de concessions et de compromis, un état de stagnation réconfortant. Tout est contrôlé par le pouvoir qui distribue les prébendes à sa guise. Les photographies de Davide Monteleone investissent ce territoire et apportent des points de lumière par un noir et blanc diffus qui ouvre l’espace, comme une ultime tentative de résistance.
Ce reportage a été réalisé, de novembre 2012 à avril 2013, grâce au soutien de la Fondation Carmignac.
Irène Attinger
À découvrir à la librairie
• Spasibo, Davide Monteleone, textes de Galia Ackerman et de Masha Gessen, Kehrer Verlag, Heidelberg/Berlin, 2013.