Le choix de la librairie #3

A Period of Juvenile Prosperity, Mike Brodie ◆ Dark Knees, Mark Cohen ◆ The Pigs, Carlos Spottorno ◆ Everything Passes

A Period of Juvenile Prosperity, Mike Brodie
Twin Palms, Santa Fe,  2013
Texte de Mike Brodie
69,00 €

Mike Brodie est né en Arizona en 1985. Il grandit au sein d’un foyer modeste et dysfonctionnel – une mère alcoolique, un père délinquant  – et connaît une enfance difficile élevé par une grand-mère conductrice de poids lourds et un grand-père fanatique de course automobile. À 17 ans, il découvre l’univers punk, avec lequel, très vite, il se trouve des affinités. À la même époque, un ami lui offre un appareil Polaroid. Avant ses 18 ans, il décide de prendre la route. De train en train, de ville en ville, Brodie crapahute pendant cinq ans. Au total, il aura parcouru, en clandestin, près de 80000 kilomètres à travers les États-Unis, pris plus de 7 000 clichés, (dont une bonne partie en argentique, après l’arrêt de la production de films Polaroid en 2007).

Entre 2002 et 2008, cet autodidacte a photographié l’errance des grands espaces du vagabondage à la Jack London ou à la Kerouac…, un pan entier de l’imaginaire américain. Ses clichés témoignent de l’insolente liberté d’une jeunesse en marge. Brodie capte sur le vif un jeune homme accroché à l’arrière d’un train, le majeur tendu en signe de rébellion, un gamin qui dort la tête sur sa chemise, au milieu des gravats…

Malgré un prix obtenu en 2008, Brodie n’est jamais rentré dans le système, il continue à vivre en marge. Il décide, ensuite,  de tout arrêter et entame des études pour devenir mécanicien ferroviaire. « Pendant longtemps, j’ai eu du mal à me poser, mais maintenant j’essaie [déclare Brodie dans The Observer] Je suis toujours attiré par cet ancien style de vie, et la liberté qu’il implique. Les trains me manquent toujours, mais je ne suis plus un enfant. Il faut que j’aille de l’avant, et que je m’installe. »

 

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Dark Knees, Mark Cohen
LE BAL / Éditions Xavier Barral, Paris, 2013
Texte de Vince Aletti
45,00 €

Mark Cohen est né en 1943 à Wilkes-Barre, petite ville de Pennsylvanie. Chaque jour depuis ses quatorze ans, il arpente, pendant quelques heures, les rues de sa ville pour prendre des photos. En couleur et en noir et blanc, ses clichés pris à bout de bras, la plupart du temps sans viser, prélèvent des fragments de gestes, de postures ou de corps. Le titre Dark Knees évoque une de ces images tronquées, les genoux sales d’un garçon en culottes courtes.

Le livre présente en pleine page, avec une petite réserve de blanc, en paysage, des photographies en noir et blanc mais aussi en couleur, prises entre 1969-2012. Titres et légendes sont manuscrits en lettres bâtons.

 

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The Pigs, Carlos Spottorno
Coédition Phree & Editorial RM, Madrid/Barcelone, 2013
Texte de Carlos Spottorno
12,00 €

Le titre de ce livre vient d’un acronyme péjoratif dont les pays du sud de l’Union européenne (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) semblent avoir hérité dans le monde de l’économie et de la finance, en particulier anglo-saxon. Le photographe Carlos Spottorno a repris à son compte les stéréotypes diffusés sur ces pays et propose une traduction photographique des articles que l’on peut lire dans la presse financière. Cette publication, maligne, est une véritable satire imitant la présentation et la structure de The Economist, jusqu’à la typographie, les rubriques et même l’inclusion d’un dessin à caractère politique. Il s’agit d’une « manière intelligente de transformer un essai photographique par ailleurs relativement traditionnel en discours précis sur les a priori des médias, à travers une parodie parfaitement aiguisée ».

Comment s’est achevé l’empire espagnol, où le soleil ne se couchait jamais ? Que s’est-il passé avec l’Italie, maîtresse d’une grande partie du patrimoine artistique de l’humanité ? Que s’est-il passé avec la Grèce, berceau de la civilisation occidentale ? Qu’est-ce qui a amené le Portugal à perdre toute perspective d’avenir, après avoir dominé les mers durant des siècles ?

The Pigs est un regard tragi-comique qui passe en revue les clichés, fondés ou non, avec lesquels doivent vivre les pays du sud de l’Europe. Une vision à mi-chemin entre la caricature et la dure réalité, qui montre ce qui reste du naufrage lent du berceau de l’Europe, à travers des yeux d’un monde économique cruel.

 

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Everything Passes
Editorial RM, México, 2013
Texte de Alfonso Morales
22,00 €

La Calle de Junín est une des rues les plus connues de Medellin en Colombie. Des années 1950 à la fin des années 1970, des photographes de la rue, connus sous le nom de fotocineros, photographiaient des passants pour ensuite leur vendre leurs images. Everything Passes compile affectueusement ces documents chargés de nostalgie, qui – comme le titre l’implique – ne transmettent pas seulement la vie quotidienne d’époques passées (avec les vêtements, les voitures, les bâtiments, les publicités, les magasins et les vitrines de ce temps), mais aussi conjurent le sens de l’éphémère et du caractère périssable inhérents à la désinvolture tant des images que de la promenade. Pour faire ce volume, Isabel Garcés a rassemblé environ 400 photographies anonymes, prises sur une période de quatre ans. Ce livre, dont la couverture de tissu tamponnée représente la silhouette d’un piéton, est traversé par une méditation, qui accompagne les photographies, d’Alfonso Morales sur l’histoire de la rue.

« Contingents sur leur période historique, les portraits marchands de Everything Passes ne cesseront jamais de révéler la période s’étirant des années 1950 à la fin des années 1970 ; quelques blocs d’une rue toujours célèbre aujourd’hui – Calle de Junín ; une ville de printemps éternel Medellin, la Colombie et les visages de passants qui peuvent toujours être nommés et reconnus par un petit nombre de personnes. » [Alfonso Morales].

Irène Attinger