Ne serait-ce que par le choix des artistes qui l’ont attirés, sa singularité s’exprimait déjà: Witkin, Saudek, Woodman : autant de personnalités intenses, libres et indépendantes, qui, comme les grands artistes du Rock, ont creusé obstinément leur sillon artistique, sans compromis.
Par le ton de sa caméra, musical lui aussi, il a su éviter le ton pédagogique de certains documentaires, ainsi que l’écueil opposé du film « arty » où l’égo du réalisateur l’emporte sur celui de l’artiste dont il fait le portrait.
Le film « Jan Saudek – Prague printemps 1990 » présente le coeur du dispositif de Jan Saudek : un périmètre clos : une cave, une chambre noire, un studio, où le photographe tchèque fait naître ses mises en scène qui ne laissent rien au hasard.
Les plans se succèdent, au fil de la voix nerveuse des confidences de Jan Saudek. Les images suivent leur propre musique : des plans de la ville, les couleurs d’un tramway, répondent aux séquences de Saudek au travail.
Elles alimentent ainsi le propos par touches impressionnistes, sans jamais illustrer littéralement le commentaire.
Avec Joël Peter Witkin, Jérôme de Missolz nous installe encore dans une proximité très forte avec l’artiste. Au coeur même de l’acte de création : choix, ébauches, croquis, prises de vue… tout souligne une attention et un regard du réalisateur qui sait montrer l’essentiel.
De son troisième film à propos de la photographie, au titre d’une seule lettre : « i », il dira :
“ “I” s’est imposé à moi comme le troisième volet indispensable, un point d’orgue à ces films entrepris sur la photographie, une volonté de passer derrière le miroir, de renverser le regard… “I’ll be your mirror”, chantait la très belle Nico dans le premier album du Velvet Underground produit par Andy Warhol.”
« i » peut s’entendre alors comme le « je » de la langue anglaise, et est aussi simplement l’initiale du prénom Isabelle, cette femme qui a entrepris de se faire photographier nue par les plus grands noms de la photographie.
Avec « sans titre » consacré à Francesca Woodman près de quinze ans après sa disparition, il s’agit bien d’une série de quatre films regroupés sous la série « le corps sublimé », une série qui est entièrement disponible en libre consultation sur place à la vidéothèque de la MEP.
En cherchant par réalisateur Jérôme de Missolz dans le catalogue, vous pourrez découvrir toute cette série, ainsi qu’un portrait d’une autre personnalité artistique hors du commun, la chorégraphe et danseuse en apesanteur Kitsou Dubois, qui rend hommage au réalisateur :
« Quelqu’un qui fait des films sur les autres, c’est généralement quelqu’un d’une grande générosité. Il y avait chez lui un vrai plaisir d’observer. Il suivait les artistes en essayant de percevoir le lien entre leur vie et leur démarche . C’est un très beau regard qui a disparu »
Emmanuel Bacquet