Souvent, les documentaires ou les portraits filmés permettent de mieux comprendre la démarche d’un photographe, et d’avoir des clefs supplémentaires pour apprécier son œuvre. Mais rarement comme ici les conditions d’un film n’auront permis à un photographe aussi éminent, aussi « solide », que Sebastião Salgado, de se confier de façon aussi désarmante sur sa propre vie, sur ses doutes, et même sur sa fragilité.
Et le fait que ce film soit réalisé par son propre fils, et par un co-réalisateur qui n’est autre que Wim Wenders (Alice dans les villes, Paris-Texas, Les Ailes du désir…) n’est bien sûr pas étranger à la réussite de cette alchimie.
Les paysages gigantesques, extraordinairement filmés (la touche du réalisateur de Paris-Texas ?) sont confrontés a la voix très proche du photographe. Il revient sur ses principales séries, en nous confiant à chaque fois la façon dont elles se sont construites, et inscrites dans sa démarche humaniste et spirituelle.
Ce récit est mêlé avec celui de Wim Wenders, qui sait replacer ce parcours dans l’histoire intime : celle de la famille et du tandem que forme le photographe avec son épouse Lélia Wanick Salgado, dont le rôle de premier plan a toujours été revendiqué par Sébastião Salgado.
S’entrecroise aussi, dans ce projet à quatre mains, la voix et le regard de Juliano, qui mène à travers le film une enquête personnelle sur son père, un père qu’étant enfant, il n’aura souvent vu à la maison qu’entre deux grands reportages.
Au fil du film apparaissent aussi les photographies les plus dures que Sébastião Salgado aie prises, et qu’il nous révèle comme étant autant d’épisodes de souffrance qui ne l’ont pas laissé indemne. Loin d’être imperméable à la dureté de ces guerres dont il a si longtemps rendu compte, Sébastião a été atteint par cette souffrance, notamment au Rwanda, ce qui l’a amené à réorienter son regard et se donner de nouvelles missions. A travers son exposition Genesis et ses photographies de la nature, ainsi que par son implication personnelle dans le reboisement en Amazonie, le photographe nous prouve, encore une fois, la valeur chez lui de la notion d’engagement.
Emmanuel Bacquet
Dans le catalogue, une recherche simple «sel terre » donnera accès au film.