RAIL MAGIC
RENE GROEBLI
Textes de René Schlachter
Sturm & Drang, Zurich, 2017
René Groebli, qui voulait devenir cinéaste, a interrompu à mi-chemin l’apprentissage de photographe qu’il avait entrepris. Déçu par le monde du cinéma, il a décidé, en 1949, de revenir à la photographie qui lui permettait de contrôler l’image à toutes les étapes de sa création.
C’est à l’occasion de son premier voyage en train de Zurich à Paris qu’il a pu s’immerger dans l’atmosphère romantique des trains à vapeur français. La puissance de la machine était perceptible au travers des formes noires, des blancs et des gris de la vapeur. Pour Groebli, c’était un univers peu familier. C’est dans les gares parisiennes et lors de courts trajets autour de la métropole que s’est affirmé son style dans le traitement du mouvement. Il a eu l’occasion de rouler de Paris à Bâle dans la cabine d’une locomotive où il a photographié debout sur le marchepied de la locomotive ou sur le tender.
À Paris, il a noué une amitié avec Brassaï et Robert Frank alors inconnu. Dans des discussions sans fin, ils ont échangé leurs points de vue, discuté des images et philosophé sur leurs langages photographiques.
À la fin de 1949, l’artiste finance lui-même la publication, chez Kubus Verlag (Zurich) de 14 images sous le titre Magie der Schiene (une édition de 700 copies numérotées dont la bibliothèque de la MEP possède l’exemplaire 24). En avance sur leur temps, les photographies ferroviaires de Groebli ont été rejetées et traitées de modernes « foutaises ». Il a connu ce genre de déceptions à plusieurs reprises et des obligations financières lui ont imposé de laisser de côté ses ambitions artistiques pendant un certain temps.
C’est au travers de reportages pour des magazines internationaux et de la publicité que René Groebli est parvenu à se faire reconnaître. En 1981, il a finalement obtenu la possibilité matérielle de revenir à ses projets artistiques personnels. Il a pu ainsi reprendre, avec une motivation renouvelée, ses images de 1949 et utiliser de nouveaux procédés pour améliorer la qualité des négatifs et proposer une sélection de 74 images, aujourd’hui admirées comme des œuvres classiques, souvenir des temps où l’odeur de la suie et de la fumée intensifiait la magie du noir et blanc, entre Paris et Zurich.
UN VOYAGE EN RUSSIE
VINCENT PEREZ
Textes d’Olivier Rolin
Delpire Editeur, Paris, 2017
Lors des quatre voyages qu’ils ont faits, au cours des années 2016 et 2017, Vincent Perez et Olivier Rolin ont sillonné la Russie d’Arkhangelsk au nord à Astrakan au sud, de Saint-Pétersbourg à l’ouest à Oulan-Oude à l’est. Le photographe et l’écrivain nous livrent, comme dans un carnet de voyage, une vision sensible de la Russie d’aujourd’hui. Vincent Perez propose ici une galerie impressionnante de portraits d’une intensité saisissante : des menuisiers, paysans, pêcheurs, agriculteurs côtoient des cosaques, artistes, chômeurs…Quelques paysages complètent la série. Quant à Olivier Rolin, cherchant à « confronter les mots à l’œil du photographe », il décrit, raconte, déploie tour à tour anecdotes, descriptions et données historiques. Au final, le regard du photographe et la plume de l’écrivain se mêlent et, à la manière d’un récit de voyage, saisissent l’atmosphère et parfois même, lorsque le « poeinochnik » (vent de minuit) souffle, la température de ce pays de glace et de feu qui nous reste encore largement inconnu.
“Notre rencontre assez incroyable avec un chamane. Nous avions un rendez-vous avec un sculpteur et ce jour-là, le chamane venait pour le rituel de purification de la maison et de la famille. Notre hôte a réussi à le convaincre pour que je fasse des photos. Je l’ai en train de mettre son costume, juste avant d’entrer en transe.”
Propos recueillis par Émilie Marin-Bisilliat du journal Vosges matin