THE SWEET FLYPAPER OF LIFE
ROY DECARAVA
Texte de Langston Hughes
First Print Press, New York, 2018
Jeune, Roy DeCarava (1919 – 2009) fut témoin du mouvement culturel de la Renaissance de Harlem qui a secoué le quartier dans les années 1920. Peintre puis photographe, marqué par le manque d’attention artistique accordée à la vie des Noirs américains, il a rapidement axé son travail sur la mise en lumière des qualités esthétiques et humaines de chaque vie.
En 1955, il co-écrit – avec le poète, nouvelliste, dramaturge et éditorialiste américain Langston Hughes – The Sweet Flypaper of Life (Le doux journal de la vie), une fiction illustrée de la vie des habitants de Harlem. Le livre décrit, en mots et en images, ce que les auteurs ont vu, connu et ressenti profondément à propos de leur peuple. Si la vie à Harlem peut être difficile et répétitive, il y a des moments de bonheur – un homme qui marche au soleil, une femme qui rit, des couples dans un parc, l’arrosage d’une plante sur un rebord de fenêtre, un regard d’enfant. « Il y a eu tellement de livres décrivant à quelle point la vie est dure. Peut-être est-il temps d’en avoir un qui montre à quel point elle peut être belle. » [Langston Hughes]
« Le travail de Roy était l’expression de son esprit personnel et individuel et c’était une sensibilité classique dans sa construction visuelle et profondément empathique pour les nuances et les subtilités contenues dans le cœur humain », a déclaré Mme DeCarava qui fut sa proche collaboratrice. « C’était un homme élégant, au regard sombre et intense, qui l’a conduit à travailler en solo pendant toute sa vie. »
Ce petit livre d’apparence modeste, initialement publié par Simon and Schuster (New York, 1955) se distingue de cette édition par le recours à un papier couché qui durcit les images.
OBJETS AUTONOMES
LOUIS MATTON
Poursuite, Paris / l’Éditeur du Dimanche, Saint-Maur-des-Fossés, 2018
Objets Autonomes présente un ensemble de photographies réalisées sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par le jeune photographe Louis Matton qui y a régulièrement séjourné entre 2012 et 2015. Ces objets, fabriqués in-situ à partir de trois fois rien, « signalent la présence des habitants, ils sont la marque que le territoire des “aménageurs“ a été englouti dans celui des occupants », explique-t-il. Produits et utilisés pour vivre sur place de manière autonome, pour répondre aux harcèlements des forces policières et militaires, ils constituent un témoignage des savoir-faire artisanaux singuliers mêlant créativité et contestation. Certains disent clairement la lutte qui se joue : masque à gaz, cocktail Molotov… D’autres, plus abstraits, racontent seulement comment les zadistes se sont approprié les lieux.
Évoquer globalement la ZAD (Zone d’Aménagement Différé, rebaptisée Zone À Défendre) de Notre-Dame-des-Landes – les milliers d’hectares qui devaient accueillir le futur aéroport du Grand Ouest – ne suffit pas à donner une image du, ou plutôt des, mouvement(s). Car la ZAD s’est démultipliée en autant de lieux qui ont tous leur identité, leurs différences et même, parfois, leurs différends : les Fosses Noires où s’ouvrit la première boulangerie, les Vraies Rouges … Une diversité à l’image de cette population : si quelques-uns vivent ici pour échapper aux obligations d’une société qu’ils rejettent, si d’autres attendent d’en découdre avec les représentants de l’État, nombreux sont ceux qui proposent un autre modèle agricole, souvent épaulés par les paysans qui ont été expulsés de la terre où ils vivaient et qu’ils refusent de quitter.
À la manière d’un anti-manuel de scouts, l’ensemble photographique concentre différents moyens concrets de reprendre en main nos vies sur les plans matériel et territorial. Divulguant la plastique de ce mode d’expression, Objets Autonomes tente d’élaborer une nouvelle cartographie de la zone jouant sur la polysémie du terme autonome. Ce dernier désigne tout autant la fonction politique de ces objets que leur retrait de tout contexte argumentatif. Ils sont, en même temps, objets utilitaires, symboles de la lutte et finalement images à regarder en tant que telles.