Daniel Masclet (1892-1969) possède un mérite essentiel : celui de ne ressembler à personne. À une époque où sévissent les manies égalitaires et conformistes, s’entêter à être soi-même et jusqu’au bout est remarquable : l’originalité devient alors une qualité rare.
Parvenu tout jeune à la célébrité comme violoncelliste, il est discerné lors d’un concours de la Revue Française de Photographie et il obtient une médaille d’or qui décide alors de sa vocation définitive. Il s’éloigne vite du style pictorialiste de son mentor le baron de Meyer pour exceller dans le portrait et la nature morte de la nouvelle photographie des années 30 et produit ses brillants portraits, du mime George Wague, du dessinateur Carlègle, de Ginette d’Yd et de Mona Païva parmi beaucoup d’autres. Il se consacre aussi aux natures mortes produisant d’étonnantes compositions superbement tirées qui annoncent la nouvelle vision photographique de la fin des années 20 (carafes, parapluies, empilement de boîtes). Par ailleurs, son attrait pour le paysage urbain va grandissant, il devient le photographe à l’œil flottant et pose son regard sur Paris, ses quais de Seine, ses vieilles rues du Marais et de l’Ile Saint-Louis.
Puis, il change encore de style, détestant les stéréotypes. Il quitte donc, sans regret, un style bien maîtrisé qui lui donne le succès pour se lancer dans un autre, celui de la photographie subjective des années cinquante. Il reprend alors le portrait et produit de surprenants visages mis à nu. Il reconsidère également le paysage urbain qu’il traite de manière abstraite et construit (Reflets de la Seine, Rue des deux ponts, Solitude, La route aux cyprès, etc…). Sans relâche, Daniel Masclet expose en France comme à l’étranger dès 1925 et jusqu’en 1969, date de sa disparition.
Entre les années trente et cinquante, Daniel Masclet est avec Emmanuel Sougez et Lucien Lorelle le personnage central de la photographie en France. Photographe il l’est assurément, mais il est également théoricien et publie Le paysage en photographie et Réflexions sur le portrait en photographie. En tant que critique, il écrit et publie de nombreux articles sur tous les grands photographes de l’époque et se fait conseiller des jeunes photographes (Club des 30×40). Enfin il est commissaire d’expositions pour les premières rétrospectives de Berenice Abbott et d’Edward Weston.
Cette exposition à la MEP et le livre qui l’accompagne, ont pour but de remettre en lumière l’œuvre de Daniel Masclet dans sa globalité.
Christian Bouqueret
Commissaire de l’exposition