Evangelia Kranioti

Evangelia Kranioti
Traverso

La très ancienne tradition maritime de mon pays, la Grèce, a toujours été une source d’inspiration. En 2005, j’ai décidé de poursuivre une recherche artistique et anthropologique sur la vie, les voyages et l’intimité des marins méditerranéens à travers le monde.

Instinctivement, je me suis penchée sur mon héritage culturel et sa riche mythologie. Puis, c’est la figure du marin dans l’œuvre de Nikos Kavvadias, écrivain et poète voyageur, qui a eu d’avantage de résonnance.

J’ai passé des années à écouter les histoires de ceux que je filmais et photographiais, leurs blessures, leurs rêves, leur lutte quotidienne pour la dignité et le bonheur. Dans ces terrae incognitae de transition et d’impermanence, je voyais les marins se mêler aux autres, mus par le besoin impératif de se sentir vivants. Le désir semblait l’expression la plus significative de ce besoin, un désir capable de faire tomber toutes les barrières : un être humain se retrouve nu face à un autre être humain.

Ces brefs mais intenses moments sont à l’origine de mon intérêt pour les prostituées rencontrées dans les ports, et à travers elles, l’érotisation des lieux lointains. Exotiques, lorsqu’on les isole de leur contexte, mais banales dans leur réalité, les femmes des ports forment une possibilité de couple archétypal avec les marins, offrant ainsi une métaphore passionnante sur la relation de l’homme à l’Autre.

Pour explorer ce qui se trouve au plus profond de la conscience, j’ai décidé de devenir marin moi-même. Seule femme à bord lors de mes nombreuses traversées sur des pétroliers, cargos et port-containers de la marine marchande grecque, j’ai voyagé en Méditerranée, en mer Noire, sur la Baltique, au Pôle nord, sur le détroit de Magellan, j’ai traversé l’Atlantique, la mer Caraïbe et le Pacifique…

Commissariat : Evangelia Kranioti, Vincent Sator

Image en une : Evangelia Kranioti, Cafard , 2011 ©Evangelia Kranioti