Gérard Rondeau

Gérard Rondeau
Au bord de l'ombre

« Gérard Rondeau est photographe. C’est certain, puisqu’il se sert d’appareils photographiques et ses œuvres sont des tirages sur papier, en noir et blanc. En dit-on beaucoup plus quand on le définit par ce mot ? Il est permis d’en douter.

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La MEP

(…) L’une de ses particularités les plus flagrantes est qu’il va et vient sans cesse entre différentes façons de “faire de la photo”, ne se borne à aucun genre, échappe aux classements. On imagine combien cette singularité peut déplaire aux amateurs de tiroirs. Combien ils préfèreraient qu’il s’en soit tenu à un type d’images ou un autre sans aller voir ailleurs et que, surtout, il en soit resté à la “pure” photographie. Qu’il soit un photoreporter de guerre et rien d’autre. Qu’il soit un portraitiste et voilà tout. Mais Rondeau fait le contraire. Non de façon délibérée, par provocation brutale ou goût de la négation ostensible ; mais parce qu’il ne peut pas faire autrement et parce qu’il ne voit aucune raison pour s’interdire de partir d’un côté, d’un autre. Dans son œuvre se côtoient bord à bord des fragments d’autobiographie, des récits de l’histoire contemporaine, des traces d’histoires plus anciennes et des réflexions sur ce que c’est que voir et se souvenir. Ces éléments peuvent être joints ou disjoints – joints le plus souvent. Il est naturellement possible de les considérer chacun isolément mais ils s’éclairent les uns les autres.

Ainsi opère Au bord de l’ombre. Ce n’est ni le catalogue complet de ses travaux, ni une série close sur elle-même, mais un arrangement d’œuvres qui ont été exécutées à des années de distance, dans des circonstances et des lieux variés, et que Rondeau dispose en un certain ordre. Cet ordre est celui de leurs relations et de ce que ces relations suggèrent. Il se dispense de la chronologie, cette commodité. Il opère par montage, que ce soit dans l’exposition ou dans l’ouvrage qui l’accompagne. Il procède par vis-à-vis et juxtapositions. (…) Au regardeur de tendre des fils entre elles et de comprendre ce qui lui est indiqué de façon à la fois logique et elliptique.

Sur le dos d’une femme nue assise sur un lit, Rondeau a écrit ces mots pris à Roger Gilbert-Lecomte : “Regarder à se crever les yeux, à éclater le crâne, avec les yeux de derrière les yeux, de derrière la tête, comme un aveugle avec un grand cri lumineux (…).” Les yeux de derrière les yeux : on ne peut pas mieux dire.»

 Philippe Dagen, février 2015

 

 

Gérard Rondeau

Des Galeries Nationales du Grand Palais à Paris à la National Gallery de Jakarta, du Mois Européen de la Photo à Paris au Festival de la Luz à Buenos-Aires, du musée de l’Elysée à Lausanne au Martin-Gropius-Bau à Berlin, Gérard Rondeau présente de nombreuses expositions personnelles. À Istanbul, New York, Sarajevo, Rome, il invente des séries particulières.

Rondeau explore les coulisses des musées pendant vingt ans, il chronique la vie à Sarajevo durant le siège, il dresse un portrait du Maroc contemporain dans un brillant dialogue au-delà du temps avec la peinture et les dessins de Delacroix ; pendant quinze ans, il accompagne les missions de Médecins du Monde dans le monde entier. Grand portraitiste travaillant régulièrement pour Le Monde pendant plus de vingt ans, il réunit une très grande collection de portraits de peintres et d’écrivains contemporains.

Pendant de longues années, Rondeau accompagne le peintre Paul Rebeyrolle, il parcourt avec le romancier Yves Gibeau les champs de bataille de la première guerre mondiale, il visite avec le Quatuor Ysaÿe les grandes scènes du monde, il fait l’inventaire avec l’écrivain Bernard Frank des rues de sa vie.

Récemment, durant trois années, il travaille sur la Marne, il flirte avec la rivière, il part 45 jours sur un bateau-studio à la rencontre des riverains et spécialistes, photographie et filme plus de 150 personnes. De ces matériaux, il dressera le premier portrait général de la plus longue rivière de France.

Rondeau voyage dans un monde en noir et blanc, il emprunte des chemins sans fin, joue avec les mots, les jeux d’ombre et les silences, il assemble des histoires et restitue des mondes en souffrance.

Auteur de nombreux ouvrages, notamment sur le Louvre, le Maroc, le quai Branly, le Bénin, les capitales baltes, les Fantômes du Chemin des Dames… Rondeau est un photographe rare et singulier. Ses livres et ses expositions ressemblent à des journaux intimes, à des romans.

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Edition
Un livre, publié par Équateurs, accompagne l’exposition.

Remerciements
Gérard Rondeau remercie la Maison Veuve Clicquot.

Mécénat de compétence
Traduction des textes d’exposition réalisée grâce au mécénat de compétence de l’agence THOMAS-HERMÈS

Logo Thomas-Hermes

 

Image en une : © Gérard Rondeau