Ritts ne se contente pas de statues vivantes, formes parfaites du corps humain, il aime évoquer aussi la matérialité de ce qu’il photographie. Il cherche comment rendre sur le papier la tonalité sérieuse d’un tissu, conserver l’aura de plaisir qui entoure un vêtement de haute couture, mettre en relation l’air dense d’une journée de soleil et de vent avec le sable du désert et la peau d’un modèle. Il met l’accent sur la consistance tactile des matériaux, exalte la peau humaine dans son contact avec l’eau, les grains de sable, le voile du vêtement qui la couvre ou de la boue qui la contraint comme dans une cage. Pour chaque image, le photographe crée un nouveau réseau de tensions et nous observons, au fil des images, comment un corps réagit à l’eau qui le frappe, au vent qui le caresse, au soleil qui le brûle, selon un hasard plastique de la vision où, entre pureté des formes et allégresse ambiante, il semble que tout peut arriver.
Aimer la photographie, l’observer, l’étudier : Herb Ritts a été aussi un grand collectionneur qui professait un goût précis et sûr pour les grands maîtres européens — Kertesz, Umbo, les avant-gardes du début du vingtième siècle et la photographie de mode allemande —, les Américains — Weston bien sûr et Paul Strand, Edward Curtis, Berenice Abott, Diane Arbus, Mike Disfarmer, Dorothea Lange, Edward Steichen — et ses contemporains, depuis son ami et mentor Helmut Newton jusqu’à Peter Beard, en passant par Richard Avedon, Robert Mapplethorpe, Duane Michaels. Une galerie d’auteurs où nous retrouvons aujourd’hui la source d’inspiration de nombreuses photos de Ritts ainsi que ses sujets les plus chers comme l’étude du corps, le soin du détail, l’objet détourné de dérivation surréaliste, l’expérimentation en matière de composition, les jeux de lumière, le rendu de l’atmosphère.
On peut assurément dire qu’Herb Ritts a changé la façon de considérer la photographie commerciale par rapport à la photographie artistique ou en tout cas à vocation de recherche. Et pas seulement parce qu’il a introduit dans chacun de ses clichés une sensibilité tangible, un jeu intense et prenant, mais aussi parce qu’il a mené son travail avec une conscience profonde de la complexité du geste photographique, de sa valeur, de son sens et de son histoire.
Exposition réalisée en collaboration avec Fondazione Forma per la Fotografia, Milan et Herb Ritts Foundation, Los Angeles
Commissaire d’exposition
Alessandra Mauro
En partenariat média avec
Edition
Un livre, publié aux éditions Contrasto, accompagne l’exposition