Ikko Narahara

Ikko Narahara

La photographie de Ikko Narahara témoigne de l'intérêt prononcé que porte l'homme japonais cultivé au monde occidental, notamment à son art et à sa pensée.

Galeries

La MEP

Qui est Ikko Narahara? Moins connu en France que d’autres photographes japonais de sa génération – il est né en 1931 – comme Eikoh Hosoe qu’il a un temps côtoyé, il a pourtant derrière lui une oeuvre abondante et très diversifiée. Ayant effectué de fréquents séjours en Europe et aux États-Unis, sa photographie témoigne de l’intérêt prononcé que porte l’homme japonais cultivé au monde occidental, notamment à son art et à sa pensée. Mais si l’on retient souvent de Narahara ses images de l’Amérique, ses premiers travaux qui datent des années cinquante et revêtent un caractère documentaire, nous parlent du Japon de l’après-guerre ; ce pays qui surmonte à peine les épreuves que le peuple vient de traverser.

La MEP montre ainsi un émouvant reportage sur les mineurs de l’île de Gunkajima : reportage social, mais aussi révélation d’un lieu dont la configuration est tout à fait hors du commun. Narahara explore d’ailleurs au Japon d’autres univers inattendus tels qu’une prison de femmes ou un monastère trappiste. Curieusement, c’est lorsqu’il se retrouve hors de son pays que l’idée lui vient de s’intéresser aux images traditionnelles de la civilisation japonaise. Cette vision décalée : il est souvent là où l’on ne l’attend pas, se retrouve dans cet important travail qu’il mène dans les années soixante-dix aux États-Unis et qui a pour titre “Where Time has Vanished”. Il ne s’arrête pas sur les mêmes réalités que celles dont se nourrissent habituellement les “street photographers” américains, ou bien il les observe sous un autre angle. Car en fin de compte, chacun des aspects de l’oeuvre de Narahara porte en lui une question que le photographe pose au sujet qu’il aborde, et qu’il pose également à lui-même à travers la photographie. L’exposition de la MEP invite le spectateur à la découverte rétrospective de cinquante ans de photographie ; elle donne la mesure de l’évolution d’une pratique, de ses dimensions documentaires, autobiographiques et expérimentales. Et le livre qui l’accompagne la complète utilement grâce à la part importante accordée aux écrits de Narahara, à des réflexions qui manifestent une authentique profondeur et originalité d’esprit.

Gabriel Bauret