Klavdij Sluban

Klavdij Sluban
Habiter l’exil

A peine débarqué de l’archipel des Kerguelen – sa désolation, son vent, ses manchots – sur le départ vers l’Amérique centrale – ses jeunes désœuvrés, ses gangs, ses prisons – l’étape dans les îles anglo-normandes se présentait comme une station intermédiaire.

L’idée de visiter Hauteville House, la maison de Victor Hugo durant ses quinze années d’exil à Guernesey, était bien là, depuis longtemps. D’autres ont précédé. La datcha de Tchekhov à Yalta ou bien l’appartement communautaire d’Akhmatova à Saint-Pétersbourg. L’esprit du lieu, lorsqu’il est respecté, induit alors cette rencontre intime avec l’écrivain, qui pourrait ne s’être absenté/e que le temps d’un thé dans la chambre avoisinante.

De l’évidente nécessité de plonger en cet antre suintant la douleur, la résidence d’artiste sur toute une année, s’est imposée.

Hors saison, la maison fermée au public devient ouverte aux fantômes. Espace de vie et espace littéraire s’enchevêtrent en une prouesse de design intérieur, minutieusement orchestrée par le génie du lieu, qui laisse au visiteur juste assez d’espace…pour y poser son regard. Hauteville House n’est pas une maison de campagne, ni une maison de villégiature, ni une maison à vivre d’ailleurs. Les enfants de Victor Hugo le lui ont bien assez reproché. L’accueil monacal réservé au visiteur respectueux permet de s’abîmer dans les méandres de la maison-livre, pensée comme une suite de développements, digressions, rappels, crochets, détournements. Du clair-obscur au sombre-obscur, la divagation peut commencer.

Klavdij Sluban

 

Commissariat : Klavdij Sluban et Jean-Christophe Godet

Exposition en partenariat avec le Guernesey Photography Festival

 

 

Image en une : Klavdij Sluban, Hauteville House, Guernesey, 2013 © Klavdij Sluban