La collection de la MEP

La collection de la MEP
Acquisitions et donations récentes

Mohamed Bourouissa, Marie Bovo, Christoph Draeger, Rob Hornstra, Saul Leiter, Marion Tampon-Lajariette, Masao Yamamoto

Galeries

La MEP

Commencée dans les années 80, la collection de la Maison Européenne de la Photographie rassemble aujourd’hui près de 20 000 œuvres. Collection d’auteurs, représentative de la création internationale de 1950 à aujourd’hui, elle recouvre l’ensemble des pratiques photographiques, et s’est ouverte récemment à l’art vidéo. Structurée autour de grands ensembles historiques, cette collection s’est constamment enrichie, au fil des années, à l’occasion des expositions organisées à la MEP, ou encore par achats, dépôts ou donations.

Les œuvres sont choisies, chaque année, par un comité d’acquisition composé de personnalités éminentes. Des partenaires extérieurs, comme la Fondation Neuflize Vie et l’Association des Amis de la MEP, participent également de manière non négligeable à l’enrichissement de la collection.
Par cette présentation d’une sélection restreinte d’œuvres récemment acquises, la Maison Européenne de la Photographie souhaite faire partager au public ses engagements artistiques et ses coups de cœur.

Mohamed Bourouissa
Né en 1978 à Blida (Algérie), vit à Paris
Diplômé de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, Mohamed Bourouissa a choisi pour décor de ses photographies un univers qui lui est familier : la banlieue et ses habitants. Il repère, au cours de ses déambulations, les impasses, halls d’immeubles, parkings et autres “no man’s land” des quartiers de La Courneuve, de Pantin ou d’Argenteuil qui servent de cadre à des mises en scènes minutieusement élaborées à l’aide de croquis et de notes. Les modèles, des jeunes rencontrés au fil de ces repérages, prennent la pose, jouent un rôle, voire participent à l’aventure, car l’entreprise dépasse la simple prise de vue pour devenir un véritable événement collectif. Mohamed Bourouissa se réapproprie des sujets galvaudés par les médias et habituellement réservés à la photographie de reportage.

Marie Bovo
Née en 1967 à Alicante (Espagne), vit à Marseille
L’oeuvre de Marie Bovo s’inspire du livre V de l’Enfer de Dante, qui traite de la passion brûlante et destructrice du couple Paolo et Francesca. Une voix de femme chante le texte en arabe, pour rappeler qu’une des sources de la Divine Comédie est un récit islamique anonyme, le Livre de l’échelle de Mahomet.
Son installation fait partie d’une série qu’elle a réalisée avec Kadhim Jihad, poète, critique littéraire, et traducteur en arabe de Dante, de Rimbaud et de Rilke. Au cours de ce travail de collaboration, Marie Bovo a éprouvé l’impossibilité d’atteindre à une traduction parfaite : toute traduction échoue à restituer l’intégrité d’un texte ou d’une parole : “des mots, des affects ne passent pas d’une langue à une autre, restent comme suspendus entre les deux…”
Si la signification littérale du texte échappe à ceux d’entre nous qui ne comprennent pas l’arabe, en revanche la douleur émanée du poème de Dante, nous l’éprouvons, physiquement. Par l’image et par la voix off, Marie Bovo, transcendant la langue, fait de son installation un langage en soi.

Christoph Draeger
Né en 1965 à Zurich, vit à New York
Le rôle, l’impact, et l’authenticité des images sont des problématiques essentielles dans les travaux de Christoph Draeger. Sa thématique de prédilection est la catastrophe. Il en collectionne les images, les travaille, les assemble, réalisant vidéos ou performances, confrontant le spectateur aux clichés diffusés généralement par les médias.
Dans la série “Les plus belles catastrophes dans le monde”, Christoph Draeger transforme des photographies de presse en puzzle géant. Le principe du puzzle, généralement support d’une imagerie conventionnelle -paysages idylliques ou œuvres d’art-, est ici détourné pour servir des images terrifiantes, qu’habituellement nous consommons de façon fugitive. Dans cette série, le paradoxe de l’adéquation réussie, mais totalement inhabituelle, entre le support et l’image est troublant. Christoph Draeger joue avec le réel et le fictif, et manipule ainsi notre imaginaire et notre perception, ainsi que notre mémoire collective.

Rob Hornstra
Né en 1975 à Borne (Pays-Bas), vit à Utrecht
Lorsqu’on lui demande sa profession, Rob Hornstra répond qu’il n’est pas photographe mais documentariste. Il conçoit ses projets seul, de la production à la réalisation final d’un livre en auto-édition. C’est le livre qui, en réalité, constitue son projet, qu’il contrôle de bout en bout. “Il n’y a donc pas d’articles ou de biographies sur moi, écrites par des soi-disant conservateurs”, dit-il.
Son livre 101 Billionaires (Rob Hornstra, 2008) est un voyage à travers la Russie post-communiste, pays en pleine transition mais où les restes de “l’ancien monde” sont toujours très présents. Fasciné par “l’âme russe”, avec empathie mais sans concession, Rob Hornstra nous dépeint la vie quotidienne du peuple russe et son environnement immédiat. Chaque image apporte une contribution à son récit, mais acquiert également son autonomie comme archétype d’une société en train de disparaître lentement.
Rob Hornstra est le créateur du site FOTODOK.org, entièrement dévolu à la promotion et à la diffusion de la photographie documentaire.

Saul Leiter
Né en 1923 à Pittsburgh, vit à New York
Ce travail est longtemps resté confidentiel. Edward Steichen, alors en charge de la photographie au MoMA, l’avait pourtant remarqué et inclus dans une exposition en 1953. Tout d’abord peintre, Saul Leiter a réalisé ces œuvres photographiques pour le simple plaisir et la nécessité de la création pure. Elles étaient, pour l’essentiel, demeurées dans les archives du photographe, sous la forme de diapositives. La carrière de Saul Leiter s’est ensuite orientée vers la mode et son succès dans ce domaine (il a été publié dans les plus grands magazines), a longtemps occulté cette part plus personnelle de son œuvre, qu’il ne fit d’ailleurs rien pour promouvoir.
L’œuvre de Saul Leiter a largement contribué à l’émergence d’une école de la couleur aux États-Unis, qui connaîtra son apogée, dans les années 1970, avec William Eggleston, Stephen Shore, ou encore Joël Meyerowitz.

Marion Tampon-Lajariette
Née en 1982 à Paris, vit et travaille à Paris et à Genève (Suisse).
Cette jeune artiste française explore les œuvres marquantes du cinéma et pointe les biais par lesquels ces images transforment notre rapport au réel. Dans cette œuvre, elle s’inspire d’une scène de La Corde d’Alfred Hitchcock – tour de force technique visant à donner au spectateur l’impression qu’il s’agit d’un unique plan-séquence –, dont le point de départ filmique est les déplacements de la caméra.
Elle traite le mouvement d’une séquence de cinéma comme une chorégraphie. Mais elle joue aussi avec le sens figuré du mot « déplacement ». Elle ne reconstitue pas le décor ni la mise en scène du film, mais applique le mouvement à une image pure et irréelle : l’étendue d’un océan de synthèse, au lieu du salon d’un appartement bourgeois. Ainsi avons-nous affaire à l’abstraction de ce mouvement, isolé, éloigné de son référent narratif, projeté dans un environnement vierge. La bande sonore nous entraîne, elle aussi, vers cet ailleurs, ce lieu fictionnel, où se mêlent bruits de pas, grincements de porte ou de plancher, extraits de dialogues et fragments de la musique de La Corde.

Masao Yamamoto
Né en 1957 à Gamagori-City (Japon), vit à Yokohama
Peintre à l’origine, Masao Yamamoto réalisait jusqu’à présent, de façon intuitive, des installations complexes à base de multiples photographies de petits formats. Dans sa nouvelle série intiluée « KAWA=FLOW », ses images prennent leur autonomie. Masao Yamamoto contemple la nature : le ciel, les oiseaux, les minéraux, les fleurs. “ Alors que j’observe les nuages, je me rends compte que je vois au-delà des nuages. Je fixe les nuages, mais mon esprit est absorbé par quelque chose d’autre”, dit-il.
Le mot « KAWA » désigne les ruissellements d’eau qui coulent de la montagne. C’est également la mare qui, au sommet de la montagne, déborde en petits courants qui se rejoignent et forment des rivières. KAWA est multiple : c’est parfois un courant rapide, parfois un écoulement tranquille d’eau presque dormante.
L’œuvre de Masao Yamamoto est inspirée par la philosophie du Zen Japonais, où la méditation et la recherche de la beauté tiennent une place essentielle dans l’épanouissement de l’être humain. “Une vie idéale doit être faite d’harmonie et de contentement”, dit-il.