À distance d’un photojournalisme qui privilégie l’instant décisif et les images choc, Olivia Gay poursuit la longue et patiente quête d’un regard. Regard sur le travail sous toutes ses formes – qu’il soit aliéné ou rédimé – et sur les femmes, dont elle narre la rencontre à chaque fois singulière. Olivia Gay dresse ainsi le portrait subjectivé de femmes qu’elle suit au long cours, sous la forme de cet « envisagement » cher au philosophe Emmanuel Levinas.
Elle s’intéresse aux postures, aux gestes et aux regards des corps qu’elle photographie. L’importance toute particulière de la lumière et de la couleur, l’utilisation de costumes et d’un fond neutre permet de décontextualiser la photographie, donnant une valeur iconique et intemporelle aux clichés. Le modèle pictural irrigue ces portraits subtils, qui témoignent d’une immersion à chaque fois renouvelée dans des mondes spécifiques, et de ce qu’on pourrait nommer une spiritualité du visage.
Pour l’historienne et critique d’art Dominique Baqué, « les femmes d’Olivia Gay ne sont pas encore des révoltées, moins encore des militantes : mais elles persistent à exister, elles défient la cécité d’une société fracturée dans l’écart devenu incommensurable entre ceux que le hasard a dotés de tous les biens et qui, sans cesse, se montrent, s’exposent, s’affichent, et ceux qui n’ont rien, et dont l’on voudrait nous faire croire qu’ils ne sont rien. »
____________________
Commissaire d’exposition
Karen Pfrunder