- Essai monographique
L’art de la joie
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” Le vent de ses yeux m’emporte vers lui, et même si mon corps immobile résiste, ma main se retourne pour rencontrer sa paume. Dans le cercle de lumière la vie de ma main se perd dans la sienne et je ferme les yeux. Il me soulève de terre, et dans des gestes connus l’enchantement de mes sens ressuscite, réveillant à la joie mes nerfs et mes veines. Je ne m’étais pas trompée, la Mort me surveille à distance, mais juste pour me mettre à l’épreuve. Il faut que j’accepte le danger, si seul ce danger a le pouvoir de rendre vie à mes sens, mais avec calme, sans tremblements d’enfance. ” L’Art de la joie est principalement le roman d’une vie, celle de Modesta, personnage magnifique né le 1er janvier 1900 sur les pentes de l’Etna, en Sicile. Du chaos misérable de son enfance aux hasards de la vie qui feront d’elle l’héritière insoumise d’une famille dégénérée de nobles siciliens, c’est en fait à un apprentissage
de la liberté que cette ouvre nous invite.
Dix ans après sa première parution en France, l’édition semi-poche (collection Météores) du chef-d’ouvre de Goliarda Sapienza. L’auteur Goliarda Sapienza (1924-1996) est née à Catane dans une famille anarcho-socialiste. Son père, avocat syndicaliste, fut l’animateur du socialisme sicilien jusqu’à l’avènement du fascisme. Sa mère, Maria Giudice, figure historique de la gauche italienne, dirigea un temps le journal Il grido del popolo (Le Cri du peuple).
Tenue à l’écart des écoles, Goliarda reçoit pendant toute son enfance une éducation originale, qui lui donne très tôt accès aux grands textes philosophiques, littéraires et révolutionnaires, mais aussi à la culture populaire de sa ville natale. Durant la guerre, à seize ans, elle obtient une bourse d’étude et entre à l’Académie d’art dramatique de Rome. C’est le début d’une vie tumultueuse. Elle connaît d’abord, très rapidement, le succès au théâtre, avant de tout abandonner pour se consacrer à l’écriture.
S’ensuivent des décennies de recherches et de doutes, d’amours intenses. Son ouvre, complexe et flamboyante, laisse les éditeurs italiens perplexes et c’est dans l’anonymat que Goliarda Sapienza meurt en 1996. Elle ne trouve la reconnaissance qu’en 2005 avec le succès en France de la traduction de son roman L’Art de la joie. Depuis, ses livres sont redécouverts en Italie. Les éditions Le Tripode conduisent désormais la publication de ses ouvres complètes.